La publicité, un problème aux multiples facettes

La publicité promeut un modèle destructeur de l’environnement et freine la transition écologique

Le modèle publicitaire actuel navigue à contre-courant d’une dynamique écologique globale.

La publicité pollue ; elle pollue quand elle promeut des pratiques, des comportements et des produits nuisibles à l’environnement ; elle pollue encore quand elle les diffuse ; elle pollue toujours quand elle invisibilise leurs alternatives.

S'il existe toujours une demande pour des biens et services climaticides, la publicité ne peut plus en être le relais. Au contraire, il est nécessaire que l’information qu’elle transmette soit en mesure de rendre fidèlement compte de l’impact réel de la conception, de la fabrication et de la distribution des produits promus. En l'état, la publicité reste un frein aux évolutions des choix de consommation de chacun et chacune. À l'heure des interrogations sur les travers du consumérisme, il faut penser la manière dont la publicité peut se conformer aux objectifs d'une sobriété généralisée.

Une part croissante de citoyennes et de citoyens européens est profondément inquiète de la crise environnementale et de ses conséquences sur leurs modes de vie. Cette prise de conscience est d’autant plus brutale que les effets du changement climatique sont désormais bien visibles : nous prenons lentement la mesure des efforts individuels et collectifs à accomplir.

La situation d'urgence climatique à laquelle nous sommes confrontés ne peut cependant se satisfaire d'une prise en charge individuelle du problème, face à un système publicitaire dont le fonctionnement repose sur une incitation massive à une consommation déraisonnable. Il faut désormais qu’à l’échelle de l’Europe, les pouvoirs publics en prennent la mesure.

42% des dépenses du secteur automobile promeuvent les SUVs. Le secteur des transports est le 2ème plus gros annonceur à l’échelle mondiale

Ces SUVS produisent en un an 900 mégatonnes de tonnes de CO2. C’est autant que le Japon, et plus que la France et l’Italie réunis.

En un an, la publicité en ligne émet 60 mégatonnes de CO2. C’est environ 60 millions d’aller-retours Paris - New York

La pollution atmosphérique est la cause de 524 000 décès prématurés en Europe par an. Quand l’UE a constaté que les cancers du poumon coutaient la vie à un demi-million d’européen·ne·s, elle a interdit la publicité des produits du tabac.

La publicité nie aux consommateurs la protection à laquelle ils ont droit

Face à la pub, le statut de citoyen·ne·s s’efface derrière celui de consommateur·trice·s. La publicité concourt à la marchandisation du monde dans une perspective lucrative : les droits et libertés n’y font pas exception. En ce sens, nous y sommes toutes et tous vulnérables.

C’est ce modèle consumériste qui justifie les pires pratiques d’obsolescence prématurée. C’est la mise en place d’un capitalisme de surveillance qui permet le commerce de nos données privées à des fins publicitaires. Et c’est ce même modèle qui fait miroiter à toutes et tous que la transition écologique peut avoir lieu en parallèle d’une surconsommation effrénée. En réalité, la publicité est l’un des vecteurs de ce système d’exploitation, dont elle est une image plus acceptable.

Il ne s’agit donc pas d’infantiliser les consommateurs et les consommatrices et de nier leur intelligence en clamant leur vulnérabilité : il s’agit de souligner l’inhérence de la publicité à un système capitaliste globalisé dont la finalité n’est pas l’intéret des citoyens et citoyennes. Ce système ne permet certainement pas une protection honnête des consommateur·trice·s. Qui aujourd’hui est effectivement en mesure de contrôler le volume publicitaire auquel il est exposé, et la véracité de son contenu ? Qui encore maîtrise ses données personnelles leur usage commercial ? Il s’agit pourtant de droits les plus fondamentaux, que nul n’oserait remettre en question - ce que fait pourtant le système publicitaire.

Si l'autorégulation du secteur publicitaire a permis de maximiser l'efficacité des appels à la consommation et normalisé l'omniprésence de la communication commerciale, elle a échoué à mettre en place un écosystème sain et respectueux des consommateur·trice·s. La fin, c'est-à-dire l'encouragement d'une consommation immodérée, a justifié le recours à un ensemble de pratiques marketing déloyales. Ces pratiques ont contribué à amoindrir la confiance accordée aux informations distillées par la publicité. Plus grave, elles mettent en péril la santé, les données, et l’ identité.

Par ailleurs, la protection générale des intérêts des consommateur·trice·s ne peut pas être déliée de dispositions particulières prenant en compte la spécificité de chacun·e. Nous ne sommes pas tous égaux face à la pub : le genre, l’origine, le handicap, l’âge, sont autant de facteurs de vulnérabilité. Ces variables sont bien connues des annonceurs. Or loin de faire l’objet de précautions particulières, ces publics sont la cible de campagnes marketing orientées, jouant sur leur sensibilité pour stimuler le besoin et l’achat. C’est cette stimulation ciblée qui est véhiculée par les pratiques les plus douteuses, jouant sur les représentations, les clichés, les dépendances et les faiblesses, dans l’unique but de vendre toujours plus. Ce que nous réclamons, c’est de mieux nous protéger tous et toutes de cette prédation.

44,2% de tous les spots publicitaires présentent des femmes à l'écran pendant 20% ou moins de leur durée. Les publicités représentant uniquement des hommes sont cinq fois plus fréquentes que celles représentant uniquement des femmes.

42 % des déclarations environnementales faites en ligne sont fausses ou trompeuses. Plus de la moitié des déclarations environnementales en ligne sont invérifiables.

44,2% de tous les spots publicitaires présentent des femmes à l'écran pendant 20% ou moins de leur durée. Les publicités représentant uniquement des hommes sont cinq fois plus fréquentes que celles représentant uniquement des femmes.

La publicité déborde de la sphère commerciale pour envahir les espaces publics

Car loin de ses prérogatives initiales, le système publicitaire concourt activement à normaliser un modèle de société insoutenable.

Et cette normalisation prends la forme d’un matraquage permanent. Le caractère invasif de la communication commerciale se manifeste dans de nombreux aspects de la vie culturelle, sociale et politique : cela nous concerne tous·tes. Le système publicitaire s'est rendu essentiel à de multiples processus, qui n’ont initalement pas grand chose à voir avec le démarchage commercial. Par le biais des médias qu'ils financent, par les évènements et influenceurs qu'ils sponsorisent ou des stratégies de com’ qu’ils élaborent, les annonceurs disposent d'une emprise forte sur le grand public.

Nous le savons, les choix de consommation sont aussi des choix de société. Il est dès lors essentiel d’assurer la transparence des informations distillées au public. Une information éclairée et respectueuse, qu’elle soit publicitaire ou non, ne peut exister que dans un contexte où l'activité médiatique n’est pas tributaire d'annonceurs d'abord soucieux de leur image de leur santé économique. Elle ne peut exister dans un contexte ou l’exposition est permanente et forcée. L’emprise publicitaire n’a plus lieu d’être.

En l’état, le système publicitaire ne permet pas une expression juste de la diversité de l’offre existante. Parce que l’accès à l’exposition publicitaire est concurrentiel et que seuls peuvent se le permettre les plus grandes entreprises, nous acceptons l’hégémonie d’offre globalisée et uniformalisée. Quand l’espace publicitaire est le terrain de jeu des GAFAM, de la grande distribution, de l’automobile et de la fast fashion, comment orienter correctement les citoyen·ne·s vers des initiatives locales, vers des alternatives circulaires ou associatives ? Comment encore garantir le droit des citoyen·ne·s à se préserver de l’exposition publicitaire ?

Alors que l’impératif écologique nous invite à tout repenser, la publicité est un frein de la pensée. Elle menace les dynamiques démocratiques qui pourraient être motrices du changement. Sans régulation, la publicité s’est insinuée dans tous les pans de la sociétés. Il faut donc restreindre les incursions d'entreprises aux intérêts lucratifs dans les activités à caractère social. Il faut sauvegarder l'indépendance des médias. Il faut assurer la visibilité des alternatives, et protéger les citoyen·ne·s du matraquage publicitaire. Le paradigme a changé, et le secteur de la communication commerciale doit en faire de même.

Les revenus publicitaires comptent pour environ 25% d’un journal comme Le Monde. Cette part peut être beaucoup plus importante pour les médias en ligne et la presse quotidienne régionale.

L’Oréal dépensait en 2015 29 % de son chiffre d’affaires en communication commerciale – soit 7,4 milliards d’euros - contre moins de 3 % en R&D.

75% du marché de la publicité numérique est capté par Google et Facebook. Ces deux entreprises représentent 90%  de la croissance du secteur.