Quelles solutions pour une prise en charge européenne des enjeux de la publicité ?

Des interdictions ciblées de publicité

  • Alors que nous avons collectivement accepté la réalité du changement climatique et identifié les causes de ce bouleversement, la promotion des énergies qui en sont responsable n’est plus tenable.

    Recommandation : Bannir toute forme de communication commerciale audiovisuelle, tous supports de diffusion confondus, ainsi que toute opération promotionnelle ou de parrainage en faveur des énergies fossiles ou des entreprises qui les exploitent, les produisent où les distribuent.

  • Les biens et services dont la fin de commercialisation est prévue, comme par exemple les voitures thermiques ne doivent pas faire l’objet d’une promotion massive. Il en va de la sincérité de l’action publique.

    Recommandation : Bannir toute forme de communication commerciale audiovisuelle, tous supports de diffusion confondus, ainsi que toute opération promotionnelle ou de parrainage en faveur tout produits ou service dont l’interdiction de la vente ou de la production est planifiée.

  • Plus largement, une dicussion doit être engagée sur les pratiques dont la consommation est actuellement massivement encouragée par la publicité, en dépit de leur caractère nuisible.

    Recommandation : Établir une liste précise de produits et services dont la consommation est qualifiée de « préjudiciable à la protection de l’environnement, à la santé ou à la sécurité » afin qu’ils fassent l’objet de restrictions publicitaires, au titre de l’article 9 de la Directive 2018/1808 du Parlement Européen et du Conseil. Parmi ces produits et services, l’on peut compter :

    - Les véhicules utilitaires sportifs, ou SUV.

    - Les vols en avion à forte intensité carbone (vols ou séjours courts)

    - La fast-fashion

    - La restauration rapide

    - La viande rouge

    - Les paris sportifs

    - Certains produits jetables ou à usage unique

La fin définitive du greenwashing

  • Les labels d’éco-compensation se sont multipliés dans tous les secteurs afin d’orienter les consommateurs vers des produits supposément plus ”verts”. Or, aucun élément scientifique ne prouve la pertinence des techniques de compensation. De plus, la compensation carbone évite aux industriels une véritable réduction de leurs émission.

    Recommandation : Interdire formellement toute allégation de type « neutre en carbone », « sans impact sur le climat », ou encore « carbone-compensé », sous toutes les formes, y compris de label.

  • Afin d’assurer la confiance que les consommateurs peuvent avoir dans les allégations “vertes”, les différents labels doivent faire l’objet d’un contrôle rigoureux. Les éléments justifiant la pertinence des labels doivent être transparents et accessibles.

    Recommandation : Mettre en place des mécanismes contraignants de pré-approbation des allégations environnementales et sociales véhiculées par la communication commerciale par des organismes tiers certifiés par les États-membres.

    Recommandation : Rendre publics et facilement accessibles les éléments contrôlés permettant d’assurer la pertinence des allégations.

Une lutte contre le capitalisme de surveillance

  • Le modèle de la publicité en ligne repose sur un capitalisme de surveillance généralisé. C’est à dire que l’expérience des usagers, sous la forme de leurs données personnelles, est désormais exploitée à des fins commerciales. Ce système intrusif repose largement sur l’ignorance et la vulnérabilité des usagers. Il convient donc d’y mettre un terme.

    Recommandation : Interdire de limiter une ou plusieurs fonctionnalités d’un site internet à l’acceptation par l’utilisateur des cookies publicitaires. A fortiori, un paiement ne peut être réclamé à l’usager si il refuse certains cookies publicitaires.

    Recommandation : Soumettre à un recueil du consentement obligatoire et aisément paramétrable par l’utilisateur l’usage de ses données personnelles générées ou collectées en ligne à des fins commerciales, telles que le démarchage, le profilage et la publicité basée sur le ciblage comportemental.

    Recommandation : Indiquer de manière ostensible si la publicité auquel l’usager est exposée est issue de pratiques de ciblages, et le cas échéant permettre à l’usager de retracer ses usages qui ont permis ledit ciblage.

  • Si le secteur de la publicité est globalement dérégulé, la publicité en ligne est un véritable Far West pour les usagers d’internet. Rééquilibrer les rapports de force signifie leurs données les éléments pratiques qui permettent d’identifier les pratiques trompeuses et d’assurer leur confort.

    Recommandation : Mieux faire appliquer par le secteur des publicités en ligne la législation relative aux dark patterns et la préciser, afin de mieux couvrir la forte hétérogénéité de ces pratiques reconnues trompeuses.

    Recommandation : Interdire aux moteurs de recherche la mise en avant de contenus sponsorisés, en les faisant apparaître avant les résultats classiques de l’algorithme.

    Recommandation : Interdire de limiter une ou plusieurs fonctionnalités d’un site internet à la désactivation d’un bloqueur de publicité. A fortiori, un paiement ne peut être réclamé à l’usager si il refuse de désactiver son bloqueur de publicité.

La promotion d’une protection équitable

  • La publicité, en mettant en image les représentations, concourt parfois à reproduire les discriminations existantes. Cette situation est due à la fois à un manque de contrôle pré-diffusion, mais aussi à un cadre légal trop flou. Ce cadre doit être mis à la hauteur de la protection des discriminations telle qu’assurée par exemple par les ombudsmans des États-membres.

    Recommandation : Clarifier le cadre légal et les définitions relatives à la discrimination dans la communication commerciale audiovisuelle, notamment dans la directive AVMSD, afin d’assurer un haut niveau de protection de tout les publics exposés.

  • De la même manière que les allégations vertes des industriels doivent être controlées, les allégations sociales, doivent l’être également. Si un annonceur indique que le bien ou service qu’il produit a un quelconque impact social positif, alors il convient de fournir au consommateur des éléments de preuve solide, afin d’éviter tout social-washing.

    Recommandation : Définir ce qu’est un allégation sociale dans la directive 2005/29/EC, de la même manière et avec le même niveau d’exigence applicable aux allégations vertes.

    Recommandation : Mettre en place des mécanismes contraignants de pré-approbation des allégations sociales véhiculées par la communication commerciale par des organismes tiers certifiés par les États-membres.

  • Les mineurs, et a fortiori les enfants jeunes, ne sont pas des consommateurs et n’ont pas ou peu de pouvoir d’achat. S’ils ont bien des besoins et désirs spécifiques, c’est à leurs parents que la communication commerciale doit s’adresser.

    Recommandation : Proscrire la mise en œuvre et la promotion au travers de la communication commerciale audiovisuelle de stratégies marketing explicitement dirigées vers les enfants.

    Recommandation : Mieux prendre en charge la publicité par les influenceurs sur les réseaux sociaux afin de rendre transparents les partenariats et placements de produits. Établir avec une liste de produits qui, étant donné l’accès privilégié de ces médias aux publics jeunes, ne peuvent faire l’objet de partenariats.

Halte à l’obsolescence marketing

  • La publicité contribue à attiser artificiellement les désirs, afin de stimuler un rachat précipité. Ce faisant, cette obsolescence marketing est le moteur d’un consumérisme incompatibles des enjeux de durabilité et de sobriété.

    Recommandation : Inscrire dans l’annexe de la Directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyale l’incitation abusive à remplacer un produit en état de marche, avec des pratiques comme la valorisation des produits jetables, le rétro-shaming, la ventilation technologique abusive, la numérotation générique des produits. Ces pratiques et leur efficacité constituent un frein supplémentaire à la conception de produits réellement durables

    Recommandation : Mieux contrôler la référence à des filières de recyclage dans les communications commerciales audiovisuelles, ainsi que les labels de recyclabilité selon les mêmes termes que les labels environnementaux. L’objectif est que ces labels n’incitent pas à recycler un produit pour en racheter un neuf.

Le dernier acte de l’autorégulation

  • Le droit européen promeut l’autorégulation et la corégulation du secteur publicitaire, en dépit l’incapacité de ces mécanismes à assurer un haut niveau de protection des consommateurs et de l’environnement. Face à ce constat, il convient de passer d’un controle interne de la déontologie publicitaire à un contrôle public par les États-membres et leurs juridictions.

    Recommandation : Amender en profondeur la directive (UE) 2018/1808 sur les services de médias audiovisuels afin d’y retirer toute promotion et référence à l’efficacité de la corégulation et de l’autorégulation du secteur publicitaire.

    Recommandation : Enjoindre par conséquent les États-membres à transcrire cette évolution dans le droit national en établissant des codes de conduites publicitaires contraignants, capable d’assurer non seulement la protection des consommateurs, mais aussi de leurs droits citoyens, de leur santé, et de l’environnement.

  • Internaliser le contrôle publicitaire signifie également d’assurer les moyens de ce contrôle. Cela doit passer par une réforme des autorité de régulation existantes.

    Recommandation : Réformer ce qui est attendu des agences nationales de régulation de la publicité pour exiger le passage d’une vérification a posteriori vers une vérification a priori des publicités, a minima dans les médias nationaux. La vérification effectuée a priori devra s’assurer que les communications commerciales sont respectueuses des codes de conduite et donc du cadre légal.

    Recommandation : Enjoindre les États-membres à faire évoluer les agences nationales de régulation de la publicité afin d’assurer une vérification équitable de la conformité des communications commerciales aux codes de conduites par les collèges de contrôle. Ces collèges doivent donc intégrer une part suffisante de juristes et de représentants de la société civile.

  • Bien que les États-membres appliquent déjà certaines taxes aux dépenses publicitaires, ces taxes ne relèvent pas de politiques publiques orientées vers une évolution des pratiques du secteur. Il convient donc d’envisager au niveau européen la manière de refiscaler le secteur publicitaire, en gardant à l’esprit que taxer les dépenses publicitaires n’est qu’une étape transitoire vers une réduction effective des dépenses publicitaires.

    Recommandation : Engager une concertation auprès des États-membres quant à une possible taxation des dépenses publicitaires et à son fléchage.

Un rééquilibrage de l’écosystème publicitaire

  • En accumulant plus de ressources que jamais, certains annonceurs les plus massifs ont acquis des capacités d’influence démesurées déployées au travers de pratiques de communication commerciale parfois douteuses. La puissance de ces annonceurs ne doit pas contraindre les pouvoirs publics à l’inaction.

    Recommandation : Contraindre les multinationales à rendre publiques et accessibles leurs dépenses liées aux parrainages et à la communication commerciale audiovisuelle sous toute ses formes.

    Recommandation : Rendre obligatoire la mise en place d’un message générique informant du caractère publicitaire de toute communication commerciale, d’opération de parrainage ou de nommage, ou des contenus hybrides info/pub, dès lors que ces pratiques sont effectivement déployées. Cette mesure doit permettre au consommateur d’être pleinement conscient du caractère publicitaire du contenu auquel il est exposé.

    Recommandation : Reconnaître que le blanchiment d’image opéré par la communication RSE des grandes entreprises a des effets nocifs à l’environnements ou aux droits humains et, par conséquent, intégrer aux obligations de vigilance le contrôle des discours et pratiques de blanchiment d’image, aussi diverses soient-elles.

  • Puisque le marché publicitaire est essentiel à l’expression des stratégies de communication, il est phagocyté par les plus grandes entreprises, au dépit d’acteurs alternatifs pourtant pourvoyeurs de bien et services plus durables et locaux. Cette situation contribue à uniformiser els modes de consummation vers des pratiques massives et nuisibles. Il est par conséquent urgent que la publicité reflète davantage la diversité de l’offre existante.

    Recommandation : Contraindre les plus grands annonceurs à une contribution dite « pro-bono ». Cette contribution consiste à transférer une partie de l’espace publicitaire acquis par les multinationales vers des organismes qui n’en ont pas les moyens, comme les associations, les ONG, les coopératives et autres plus petites structures.

    Recommandation : Sanctuariser un certain pourcentage de l’espace publicitaire pour le réserver à des acteurs moins conventionnels, associatifs, locaux ou d’intérêt public.

    Recommandation : Instaurer des plafonds de dépense publicitaire au-delà desquels les dépenses seront très fortement taxées afin de freiner l'inflation marketing et de concourir à la pluralité des annonces.

La sauvegarde de la libre expression médiatique

  • La publicité est pour la presse une source de revenus importants qui permet au secteur de sécuriser sa santé économique et de s’émanciper des aides publiques. En revanche, il faut absolument veiller à ce que le poids des annonceurs n’influence pas la ligne éditoriale des médias, par exemple en encourageant l’autocensure des journalistes et en empêchant la diffusion d’enquêtes. Dans un contexte de concentration des médias aux mains d’annonceurs puissants, les pouvoirs publics doivent y être particulièrement vigilants.

    Recommandation : L’achat d’espace publicitaire ou d’articles dans les médias doit rentrer dans le cadre des pratiques de blanchiment d’image, et par conséquent faire partie des obligations de vigilance des entreprises au titre de la potentielle nocivité de telles pratiques à l’environnement, aux droits humain et à la gouvernance démocratique.

    Recommandation : Créer un outil européen de soutien au médias sous la forme d’un fonds attribué aux médias aidant à leur indépendance financière. Ce fonds devra être attribué par la Commission ou autre organe public selon des critères d’émancipation des annonceurs et de réduction de l’espace publicitaire.

La réduction de l’invasion publicitaire

  • De nombreuses associations font valoir le caractère subi de l’exposition publicitaire. Reconnaître que la publicité ne peut être imposée aux individus doit permettre un changement global de paradigme.

    Recommandation : Consacrer dans le droit européen la présomption de non consentement à l’exposition publicitaire des citoyens et citoyennes.

    Recommandation : Par conséquent, conditionner certaines pratiques publicitaires invasives et peu efficace à l’expression du consentement de l’individu : publicité téléphonique, par courrier, ou par mail, qu’elle soit ou non promotionnelle.

    Recommandation : Établir une liste des lieux sanctuarisés dans laquelle la communication commerciale, le parrainage d’évènements et les opérations marketings doivent être proscrites, comme les lieux d’éducation du primaire et du secondaire, ou les lieux de santé.

  • Si les messages de fond diffusés par la publicité peuvent être problématiques, l’expression de ces messages peut l’être également. Il convient donc d elutter contre la diversité des pratiques publicitaires agressives.

    Recommandation : Interdire les écrans publicitaires numériques ou rétroéclairée, la publicité projetée et les bâches publicitaires.

    Recommandation : Interdire de doter les panneaux publicitaires classiques de toute technologie numérique de captation des données ou de comptage des passants.

    Recommandation : Élaborer des normes harmonisées et contraignantes afin de limiter la densité de la publicité dans tout les espaces publics.

  • Contraindre le secteur publicitaire à reduire son empreinte carbone, c’est l’orienter vers d’autres pratiques plus vertueuses et moins invasives.

    Recommandation : Contraindre formellement l’ensemble de la filière publicitaire au respect de l’accord de Paris sur le climat sur la réduction de l’empreinte carbone, c’est à dire l’astreindre conformément aux objectifs de l’UE à une réduction de 55 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030. Une telle mesure doit notamment amener les annonceurs à reconsidérer leur recours à certains types d’affichages les plus polluants.

    Recommandation : Conformément aux recommandations du CESE, demander que chaque acteur de la filière publicitaire, selon son secteur d’activité, s’engage en faveur d’une réduction de son impact environnemental.